Folk Tale

Le Prêtre de Jupiter

AuthorJean-Pierre Claris de Florian
LanguageFrench
OriginFrance

Un prêtre de Jupiter, pere de deux grandes filles, toutes deux assez gentilles, de bien les marier fit son soin le plus cher. Les prêtres de ce temps vivoient de sacrifices, et n' avoient point de bénéfices. La dot étoit fort mince. Un jeune jardinier se présenta pour gendre ; on lui donna l' aînée. Bientôt après cet hyménée la cadette devint la femme d' un potier. à quelques jours de là, chaque épouse établie chez son époux, le pere va les voir. Bon jour, dit-il, je viens savoir si le choix que j' ai fait rend heureuse ta vie, s' il ne te manque rien, si je peux y pourvoir. Jamais, répond la jardiniere, vous ne fîtes meilleure affaire : la paix et le bonheur habitent ma maison ; je tâche d' être bonne, et mon époux est bon : il sait m' aimer sans jalousie, je l' aime sans coquetterie ; aussi tout est plaisir, tout jusqu' à nos travaux ; nous ne desirons rien, sinon qu' un peu de pluie fasse pousser nos artichauts. -c' est là tout ? -oui vraiment. -tu seras satisfaite, dit le vieillard : demain je célebre la fête de Jupiter ; je lui dirai deux mots. Adieu, ma fille. -adieu, mon pere. Le prêtre de ce pas s' en va chez la potiere l' interroger, comme sa soeur, sur son mari, sur son bonheur. Oh ! Répond celle-ci, dans mon petit ménage, le travail, l' amour, la santé, tout va fort bien en vérité ; nous ne pouvons suffire à la vente, à l' ouvrage : notre unique desir seroit que le soleil nous montrât plus souvent son visage vermeil pour sécher notre poterie. Vous, pontife du dieu de l' air, obtenez-nous cela, mon pere, je vous prie ; parlez pour nous à Jupiter. -très volontiers, ma chere amie : mais je ne sais comment accorder mes enfants ; tu me demandes du beau temps, et ta soeur a besoin de pluie. Ma foi, je me tairai, de peur d' être en défaut. Jupiter mieux que nous sait bien ce qu' il nous faut ; prétendre le guider seroit folie extrême. Sachons prendre le temps comme il veut l' envoyer : l' homme est plus cher aux dieux qu' il ne l' est à lui-même ; se soumettre, c' est les prier.


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