Folk Tale

Les deux paysans et le nuage

AuthorJean-Pierre Claris de Florian
LanguageFrench
OriginFrance

Guillot, disoit un jour Lucas d' une voix triste et lamentable, ne vois-tu pas venir là-bas ce gros nuage noir ? C' est la marque effroyable du plus grand des malheurs. Pourquoi ? Répond Guillot. -pourquoi ? Regarde donc : ou je ne suis qu' un sot, ou ce nuage est de la grêle qui va tout abymer, vigne, avoine, froment ; toute la récolte nouvelle sera détruite en un moment. Il ne restera rien ; le village en ruine dans trois mois aura la famine, puis la peste viendra, puis nous périrons tous. La peste ! Dit Guillot : doucement, calmez-vous, je ne vois point cela, compere ; et s' il faut vous parler selon mon sentiment, c' est que je vois tout le contraire : car ce nuage assurément ne porte point de grêle, il porte e la pluie ; la terre est seche dès long-temps, il va bien arroser nos champs, toute notre récolte en doit être embellie. Nous aurons le double de foin, moitié plus de froment, de raisins abondance ; nous serons tous dans l' opulence, et rien, hors les tonneaux, ne nous fera besoin. C' est bien voir que cela ! Dit Lucas en colere. Mais chacun a ses yeux, lui répondit Guillot. -oh ! Puisqu' il est ainsi, je ne dirai plus mot, attendons la fin de l' affaire : rira bien qui rira le dernier. -dieu merci, ce n' est pas moi qui pleure ici. Ils s' échauffoient tous deux ; déja, dans leur furie, ils alloient se gourmer, lorsqu' un souffle de vent emporta loin de là le nuage effrayant ; ils n' eurent ni grêle ni pluie.


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