Folk Tale

Le joueur de cornemuse et le lutin

Translated From

An piobaire agus an pûca

AuthorDouglas Hyde
Book TitleLeabhar sgeulaigheachta
Publication Date1889
LanguageIrish

Other Translations / Adaptations

Text titleLanguageAuthorPublication Date
The Piper and the PucaEnglish__
LanguageFrench
OriginIreland

Dans l'ancien temps il y avait un homme à moitié fou qui demeurait à Dunmore, dans le comté de Galway; bien que cet homme eût beaucoup de goût pour la musique, il n'avait pu apprendre qu'un seul et unique air; c'était le Rôgaire Duv. » Il recevait de l'argent des messieurs parce que ceux-ci s'amusaient de lui.

Une nuit de Samhain, le joueur de cornemuse rentrait chez lui au sortir d'une salle de danse; il était à moitié ivre. Quand il arriva à un petit pont près de la maison de sa mère, il pressa sa cornemuse et se mit à sonner le Rôgaire duv.

Un lutin vint à l'ouest de lui et se jeta sur son dos. Le lutin avait de longues cornes, et le sonneur les empoigna fortement. Puis il dit : « Destruction sur toi, horrible bête, laisse-moi ren- trer chez moi, j'ai sur moi une pièce de dix pence, à ma mère, et elle a besoin de tabac à priser. » — « Peu m'importe ta mère, » dit le lutin, « mais continue à me serrer; si tu tombes, tu vas te briser le cou et ta cornemuse avec. » Puis le lutin lui dit : « Sonne-moi le « Shan van vocht. » — « Je ne lésais pas, » dit le sonneur. — « Peu m'importe que tu le saches, » dit le lutin, « sonne, et je te donnerai la science. » Le joueur de cornemuse gonfla d'air son sac, et sonna un air qui l 'étonna lui-même. — « Sur ma parole, tu es un bon maître de musique, » dit le sonneur, « mais raconte-moi maintenant où tu me conduis. » — « Il y a un grand festin chez les fées sur le sommet de Cruach Phâdraic, cette nuit, » dit le lutin; «je t'y conduis pour que tu joues de la musique, et je te donne ma parole que tu seras récompensé de ton dérangement. » — « Par ma foi, tu m'épargneras un voyage, » dit le sonneur, « l'abbé Guillaume m'a imposé un pèlerinage à Cruach Phâdraic, pour lui avoir volé un jars à la Saint-Martin dernière. »

Le lutin le conduisit à travers collines et tourbières, jusqu'à ce qu'il atteignit le sommet de Cruach Phâdraic. Alors le lutin frappa trois coups aeec le pied, et il s'ouvrit une grande porte. Ils entrèrent dans une belle salle. Le sonneur vit une table en or au milieu de la salle, et des centaines de vieilles femmes assises à l'entour. Quand le lutin et le joueur de cornemuse entrèrent, les vieilles se levèrent et elles dirent : « Cent mille bienvenues sur toi, lutin de Samhain, qui est celui qui est avec toi? » — « Le meilleur sonneur de l'Irlande, » dit le lutin.

Une des vieilles frappa un coup sur la terre, il s'ouvrit une porte dans un côté du mur, et le sonneur vit s'avancer quoi?... le jars blanc qu'il avait volé à l'abbé Guillaume. « Sur nia conscience, » dit, le sonneur, « nous avons mangé moi-même et ma mère ce jars tout entier, sauf une aile que j'ai donnée à Marie la Rouge, 'et c'est elle qui a raconté au prêtre que c'était moi qui avais volé le jars. » Le jars enleva la table, et le lutin dit au joueur de cornemuse : « Sonne un air aux dames. » Le joueur de cornemuse sonna, et les vieilles se mirent à danser et dansèrent jusqu'à ce qu'elles fussent fatiguées. Puis le lutin dit : « Paye le sonneur. » Chacune des vieilles tira une pièce d'or et la donna au sonneur. « Par la dent de saint Patrice, » dit celui-ci, « je suis aussi riche qu'un fils de seigneur. » — « Viens avec moi, » dit le lutin « et je te porterai chez toi. »

Ils partirent; comme il chevauchait sur le lutin, le jars vint, et lui donna une nouvelle cornemuse.

Le lutin ne fut pas long à arriver à Dunmore et il laissa le sonneur sur le petit pont. Puis il lui dit : « Va t'en chez toi, maintenant tu possèdes deux choses que tu n'avais pas aupa- ravant : l'esprit et la science musicale. »

Le sonneur alla à sa maison et frappa à la porte de sa mère en disant : « Laisse-moi entrer, je suis aussi riche qu'un seigneur, et c'est moi le meilleur joueur de cornemuse de l'Irlande. » — « Tu es gris, » dit la mère. — « Je ne suis certainement pas gris, » dit le sonneur, « je n'ai pas bu une goutte. » La mère le fit entrer et il lui donna les pièces d'or. — « Attends mainte- nant, que tu m'entendes jouer de la musique, » dit-il.

Il pressa la nouvelle cornemuse, mais au lieu d'un air il se pro- duisit un bruit, comme si toutes les oies et les jars d'Irlande s'étaient mis à crier. Il réveilla les voisins qui se moquèrent de lui, jusqu'à ce qu'il eût pris son ancienne cornemuse, et qu'il leur eût sonné un air harmonieux. Puis il leur raconta tout ce qui lui était arrivé cette nuit-là.

Le lendemain matin, quand la mère regarda les pièces, au lieu d'être en or, elles n'étaient formées que de feuilles de plomb.

Le sonneur alla trouver le curé et lui raconta son histoire, mais le curé n'en crut pas un mot, jusqu'à ce qu'il eût pris sa cornemuse, et que se fît entendre le cri du jars et de l'oie. Alors h 1 curé lui dit : « Retire-toi de ma vue, » mais le sonneur ne fut content que quand il eût pris l'ancienne cornemuse, pour montrer au curé que l'histoire était vraie. Il pressa la cornemuse et joua un air harmonieux.

A partir de ce jour jusqu'à sa mort, il n'y eut pas dans le comté de Galway un aussi bon sonneur que lui.


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