Folk Tale

Le lièvre et mr. Hyène

Translated From

Sonsannin ani Surukuba

AuthorCharles Bailleul
Book TitleBamanan : Langue et culture Bambara
Publication Date0
LanguageBambara
AuthorCharles Bailleul
LanguageFrench
OriginMali

Souroukouba (Mr hyène), et Sonsan (le lièvre) s'étaient mis d'accord pour pêcher au marigot, ils n'ont pris ce jour-là qu'un très gros poisson.

Le lièvre dit: - Grand frère hyène, qu'est-ce que tu préfères? Cet unique poisson d'aujourd'hui ou les deux de demain?

Hyène dit: - Ah ! J'attendrai les deux poissons de demain. Tu peux partir avec celui d'aujourd'hui.

Sonsan prend l'unique poisson et part à la maison... Le lendemain, ils vont de nouveau à la pêche et prennent deux poissons. Rien d'autre ensuite.

Sonsan dit encore: - Que choisis-tu? Les deux poissons d'aujourd'hui ou les trois de demain?

Souroukou dit: - Je suis pour les trois de demain. ...

Le petit Sonsan emporte les deux poissons à la maison. Le jour suivant, ils retournent à la pêche et ne prennent que trois poissons... rien de plus.

Sonsan dit: - Souroukouba, que préfères-tu? Les trois poissons d'aujourd'hui ou les quatre de demain?

- J'attendrai les quatre de demain, dit-il.

Et Sonsan part avec ses trois poissons à la maison. ... Ils repartent à la pêche. Cette fois, ils prennent un gros poisson, énorme, et puis rien.

Le petit Sonsan dit: - Souroukouba, que choisis-tu, ce seul gros poisson d'aujourd'hui ou les deux gros de demain?

Souroukouba répond: - Petit frère Sonsan, ça suffit! Même si demain c'est cent ou deux cents poissons, je préfère l'unique d'aujourd'hui.

Le lièvre devient maussade... Souroukouba prend le gros poisson, le met sur sa tête et s'en va chez lui,.... Quand Souroukouba a disparu, Sonsan prend une piste de traverse dans l'herbe, court à toute vitesse et va se coucher en avant sur le chemin, bouche ouverte, laissant les mouches entrer et sortir par son nez et par sa bouche.

Quand Souroukouba arrive à l'endroit et qu'il le voit, il dit: - Ah! me voilà avec ce gros poisson, que vais-je faire de ce cadavre de lièvre? Bah! ce cadavre n'a pas d'importance. Je m'en vais donner mon poisson frais aux miens. Il passe outre. Dès qu'il s'est éloigné un peu, Sonsan repart à travers les herbes et va s'étendre en avant sur la route, bouche ouverte, avec les mouches qui entrent et sortent par ses narines et par sa bouche.

Souroukou tombe de nouveau dessus. Il s'exclame: - Eh ! Quel malheur est donc arrivé aux lièvres? Je dépasse un cadavre, en voici un autre! Bon si j'en trouve encore un autre, je les prends et les ajoute à mon poisson. Il continue son chemin.

A peine parti, Sonsan se relève, traverse les herbes en courant et part se coucher en avant sur le chemin, avec les mouches qui entrent et sortent par sa bouche ouverte...

Souroukouba arrive à lui et dit: - Quelle affaire! La race des lièvres est en train de disparaître! J'en passe un, un deuxième, et en voilà un autre ! Je vais déposer mon poisson ici à côté et partir prendre les deux autres lièvres que j'ai dépassés. Ca fera un gros poisson et trois lièvres. Ma femme et mes enfants vont faire bombance. On va faire la fête aujourd'hui!

Souroukouba dépose son gros poisson près du lièvre qu'il croit mort et rebrousse chemin pour prendre les deux autres. Mais à peine disparu, Sonsan se lève, emporte le poisson chez lui, en coupe la queue et revient l'enterrer en en laissant dépasser le bout. Aussitôt les fourmis accourent se mettre au travail.

Souroukouba est de retour. Il n'a pas retrouvé les deux premiers cadavres de lièvre. Il revient pour prendre son poisson et le troisième lièvre mais ne retrouve ni l'un ni l'autre. Il ne trouve que la queue du poisson remplie de fourmis.

A cette vue, il s'exclame: - Eh! Eh! Eh! Eh! Voilà que les fourmis ont emporté mon lièvre et mon poisson dans leur fourmilière. Je vais chercher une petite pioche à la maison et creuser.

Il court chercher une petite pioche et revient avec. Il se met à creuser, creuser, creuser jusqu'à disparaître en terre et en faire un vrai puits dont il ne peut plus sortir. Quand il veut en sortir, impossible! ... Il y reste longtemps, longtemps, si longtemps que son estomac se met à crier famine. Le voilà dans le puits sans pouvoir en sortir. Alors, un daguè assoiffé (antilope-cheval à la bouche blanche), s'approche du puits croyant qu'il y avait de l'eau. Il penche la tête et aperçoit Souroukouba.

- Grand frère Souroukouba, dit-il, qu'est-ce qui t'a fait arriver dans ce puits?

- Petit frère Dagè, répond-il, c'est impossible à expliquer! J'étais parti à la pêche avec Sonsan et j'avais gagné un gros poisson. En route pour la maison, j'ai dépassé un lièvre mort, puis un deuxième et un troisième. J'ai alors déposé mon poisson auprès du dernier pour chercher les deux autres. Le temps que je revienne, les fourmis ont enterré mon poisson. J'ai voulu creuser pour le récupérer et c'est ainsi que me voilà dans un véritable puits sans pouvoir en sortir.

Daguè dit: - Ah ! Quelle drôle de mésaventure que la tienne!

Souroukou dit alors: - Ah, Daguè, s'il te plaît; penche donc tes grandes cornes dans le trou, je vais sauter pour m'y suspendre, et tu vas me sortir de là.

Daguè dit: - Ah ! Souroukou, je n'ai pas confiance en toi, tu as mauvaise réputation. Une fois sorti, tu vas me manger.

Souroukou se met à jurer ses grands dieux qu'il n'en fera rien.

Daguè a pitié del ui et dit: - Bon, puisque tu le jures, je vais te sortir de là. Pourtant, je n'ai pas bien confiance en toi.

Souroukou dit: - Je ne te ferai aucun mal!

Daguè introduit ses longues cornes dans le puits, le plus bas possible. Souroukou bondit, agrippe les cornes, et s'y suspend. Daguè rejette sa tête en arrière et Souroukou se retrouve sur le dos de l'antilope, à l'air libre. Il reste longtemps assis sur son dos.

Daguè dit: - Eh ! Souroukou! Descends donc, que je puisse aller boire, j'ai trop soif.

Souroukou répond: - Patiente un peu, que je me repose. Tu sais bien que j'étais à bout de forces dans ce puits.

- Bon, repose-toi!

Daguè attend, attend, puis il dit: - Ah, Souroukou, tu es reposé maintenant.

- Tu n'es pas fou?, répond alors Souroukou. Tu crois que je suis aussi bête que toi? Tu ne partiras pas avant que je ne t'ai mangé une portion de gigot. Tu sais bien que, depuis huit jours, je suis sans manger dans ce puits. Tu seras mon repas d'aujourd'hui.

Daguè répond: - Bon, je n'ai qu'une chose à dire, c'est que tu es un ingrat. Mais c'est bon, fais comme tu as dit. C'est de ma propre faute.

Alors qu'ils sont en pleine discussion, voilà Sonsan qui s'amène. Il dit: - Souroukou ! Je vois que vous êtes là tous deux à discuter depuis un bon bout de temps. Que se passe-t-il donc?

Souroukou dit: - Interroge plutôt Bouche-blanche! Il t'expliquera.

- Daguè, que s'est-il passé?

Daguè dit: - Regarde-moi ça! Je viens de sortir Souroukou de ce puits profond, et à peine sorti, il dit qu'il ne s'en ira pas avant de m'avoir bouffé un gigot.

Sonsan dit: - Daguè, tu es un sacré menteur!

Et il lui flanque une bonne gifle en ajoutant: - Pourquoi mens-tu comme ça? Tu es bien incapable de sortir une hyène de ce puits! Fieffé menteur!

Alors Souroukou saute du dos de l'antilope et vient gifler à son tour Sonsan en disant: - Alors, tu ne le crois pas! Tu as offensé Daguè! Ce qu'il a dit, c'est la vérité même. Il m'a bel et bien sorti de ce puits. Et si tu veux le vérifier, regarde ! Je redescends dans le puits. Il va m'en sortir en ta présence.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Souroukou saute dans le fonds du puits en disant que Dagè va l'en sortir à l'instant.

Hyène est à peine arrivé au fond que Sonsan dit: - Daguè! La suite est dans ta main. Ce que tu as envie de faire, fais-le!

Daguè s'est aussitôt enfui dans la brousse sans même se retourner pour contempler Souroukou.

Souroukou est mort au fond de son puits.

Là où j'ai pris ce conte, là-bas je l'ai laissé.

Baabilen Kulubali


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